Bonjour, vous. Quinze jours, déjà ? Ça file, dites donc. Vous m’avez manqué.
Surtout que je n’ai plus tant l’occasion de vous parler — j’ai mis en pause ma chaîne Twitch, pour cause de manque d’énergie et de petite forme. J’y vais doucement, un pied après l’autre, et vous savez quoi ?
Un pied après l’autre, j’ai fait 20 000 pas dans la forêt de Fontainebleau et je n’ai pas eu d’ampoule. J’ai cueilli des lactaires et des coulemelles, que j’ai poêlées pour les unes, panées pour les autres. J’ai mangé du pain et du fromage au pied d’une tour en pierre avec quelqu’un qui tient à moi et auquel je tiens. J’ai pris une grosse goutte de pluie en plein sur le nez, appris des chansons paillardes et sifflé une pinte dans un bar déprimant près de ce qui fut jadis un domaine royal.
Je vis, jour après jour. Parfois, je vois demain, ou même après-demain. Bientôt, j’aurai trente-deux ans. Et j’ai beaucoup d’amour. Donc beaucoup de chance.
J’espère que vous avez plein d’amour, vous aussi. 💕
Les taches grises s’entremêlent, gagnent et perdent en intensité sur l’écran qui me fait face, entourées de chiffres incompréhensibles. La pression au bas de mon ventre s’intensifie, jusqu’à ce qu’un minuscule détail émerge du brouillard.
— Là, vous voyez ? On le distingue bien.
— Où ? La partie plus claire ?
— Oui, là, voilà. Ici, la tache blanche, c’est son petit bras. Et si je bouge… On voit l’autre. Et son corps.
Soulagée, je m’autorise à souffler pendant que la sage-femme prend diverses mesures, calcule le diamètre de mon ovaire droit et la capacité de mon utérus. Elle est douce, les lumières sont tamisées et elle m’a recouverte d’un tissu pour plus d’intimité. Même le gel sur mon ventre ne m’a pas paru si froid cette fois-ci.
Tout est en ordre. Mon utérus est aussi vide qu’il est censé l’être, à l’exception du petit miracle de cuivre qui me protège de toute grossesse non désirée.
Et comme à chaque fois qu’on m’a fait une échographie — pour vérifier que mon stérilet est bien en place, pour ausculter mon pancréas, pour confirmer la présence du vilain calcul qui a mené à l’ablation de ma vésicule biliaire — je pense à toutes ces personnes qui regardent le même écran, le cœur battant, en espérant voir se dessiner parmi les taches grises un cœur battant, une petite main, l’esquisse d’un pied.
Un bébé.
Je suis de celles qui ne veulent pas d’enfants et ont la chance de vivre dans un monde qui leur permet de ne pas en avoir ; je suis même de celles qui ont la chance de bien supporter la contraception non-hormonale la plus fiable, le DIU cuivre (pour Dispositif Intra Utérin). Des années de tranquillité quand le corps ne le rejette pas, et ma contraception de choix depuis dix ans.
Je suis de celles qui s’interrogent sur l’envie d’enfant comme mon esprit d’athée s’interroge sur la foi : une émotion humaine que je respecte, entièrement ; que je comprends, intellectuellement ; et qui m’intrigue, profondément.
Je ne ressens pas l’envie de me reproduire, de créer un mini-moi ou un mini-nous. Je n’ai aucun souhait de passer tout mon temps libre avec un enfant, quand bien même c’est le mien, et ma phobie de l’engagement me fait voir la maternité comme la pire chaîne dont je ne pourrai jamais me libérer.
Après tout, je ne crois pas qu’on arrête un jour d’être mère. Je ne crois pas à ce retour en arrière.
Et pourtant, à chaque fois qu’une sage-femme applique le gel froid sous mon nombril, je pense à tous les cœurs battants qui se sont affichés, et vont un jour s’afficher sur l’écran.
Je pense à toutes ces joies et ces rêves, tous ces futurs renfermés dans le sourire d’une personne, d’un couple, d’une famille en devenir. À tout cet amour qui circule envers un petit être qui ne sait même pas encore à quel point il est aimé. Ou peut-être le sait-il, confusément. Peut-être est-ce pour ça qu’il semble si bien dormir, lové dans la tendresse.
Je ne veux pas être mère mais j’ai parfois le regret de ne jamais être enceinte, de ne jamais savoir ce que mon corps peut faire au plus profond de lui, de ne jamais ressentir un petit coup en posant la main sur mon ventre, de ne jamais avoir la preuve de la vie née de presque rien, de cet utérus vide sur l’écran, de cet ovaire en bonne santé, d’un peu de plaisir, de beaucoup d’amour.
Je dis parfois que je serais prête à porter l’enfant d’une personne que j’aime et qui ne peut pas en avoir ; je ne sais pas si je le ferais vraiment, ça me semblerait présomptueux de prétendre pouvoir prendre une telle décision sans que la situation ne soit concrète. Mais c’est peut-être pour ça (et pour mon cher DIU si simple d’utilisation) que je ne me ligature pas les trompes, même si ma non-envie d’enfant se renforce jour après jour.
Parce que mon corps est capable de ça. Et je crois que j’aime bien savoir qu’il l’est. Même si je ne le vivrai probablement jamais.
Ma vie de childfree
J’en parle en vidéo sur Twitch
Que dire face à l’horreur ? J’hésite toujours, de peur de ne pas avoir les bons mots. Mais s’il y a une chose que je sais, c’est que des gens ont besoin d’aide. Amnesty International appelle au cessez-le-feu entre Israël et Gaza ici et recueille des dons d’urgence là.
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J’ai rarement été aussi fascinée, effrayée et touchée que par Sermons de Minuit (Midnight Mass), la série horrifique de Mike Flanagan que j’avais ratée l’an dernier sur Netflix. Foncez, j’en peux plus d’attendre le dénouement. Et c’est de saison !
Tout le monde a l’air un peu down en ce moment. Alors faites-moi plaisir, prenez deux minutes pour dire à quelqu’un que vous aimez que vous l’aimez. Ça fait jamais de mal.
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Avec ma compère Marie Camier alias Marikigai, on a parlé de la mort dans notre émission BFF et c’était ma foi PROFOND. La vidéo est là, le podcast arrive dès ce mardi 7 novembre !
On se dit à dans deux semaines, ou peut-être avant si cette newsletter devient hebdomadaire ce qui est très possible car j’en ai fort envie, d’ailleurs vous en dites quoi ?
Prenez soin de vous. Merci d’être là 💕
Je n'aurais jamais pensée qu'une newletter m'apporterais autant de réconfort. C'est comme un doudou a lire 🥰
Ton écriture est belle, le fond et la forme se complètent merveilleusement bien. Merci pour ces partages, et merci pour ces feels <3