All the Feels n°02 • Ah, on parle déjà de la mort ?
Désolée, c'est pas moi qui décide. J'aurais bien aimé faire autrement.
Avant que j’oublie : merci pour l’accueil que vous avez réservé à All the Feels. Vraiment. On en parlera un jour plus en profondeur, mais j’avais peur que ça fasse un four, et non. C’est chouette. Vous êtes chouette.
Et maintenant je suis désolée mais on va parler de la mort.
Pourtant c’est pas trop un sujet dans ma vie, la mort. C’est quelque chose auquel je pense peu ; mon esprit cartésien se persuade de l’avoir accepté autant que faire se peut, puisqu’après tout, la mort est inéluctable.
À mes yeux, elle est même rassurante. Il n’y a pas grand-chose qui nous met plus sur un pied d’égalité que la mort. Il n’y a pas grand-chose qui rationalise mieux ce drôle de monde que la mort. Tout est important, car je suis vivante ; rien n’est important, car je vais mourir. Chaque seconde est unique et chaque seconde est futile.
Je n’ai pas peur de ma mort (bon : on en reparlera) mais j’ai peur de celle des gens que j’aime. Je n’ai pas peur de la mort mais j’ai peur de la peine qu’elle amène à celles et ceux qui restent.
Mercredi j’ai perdu une personne que j’aime. Je suis à nouveau devenue l’une de celles et ceux qui restent.
Je sais que vous respecterez ma pudeur et ma prudence à l’idée de trop vous en dire sur celle qui est partie. C’est si récent que je ne voudrais pas commettre d’impair. Je ne sais pas encore combien en dévoiler, pour la faire rayonner, et combien en taire, pour la garder privée.
Une membre de ma famille est décédée, du côté marocain. C’est important parce qu’un océan, une nationalité, une culture nous séparent. C’est important parce qu’elle m’a vue grandir, qu’elle m’a connue bien avant que vous ne pensiez me connaître, quand j’étais un petit bout de chou timide et tout bronzé. C’est important parce que c’est une membre de ma famille, de ma famille de femmes fortes et courageuses, de ma famille de matriarches et d’esprits libres, avec ou sans voile sur les cheveux.
Elle avait un rire lumineux et des fossettes à n’en plus pouvoir. Ses cheveux chatouillaient mes épaules lorsqu’elle me faisait un câlin et sa voix roulait jusqu’à mes oreilles comme les vagues sur la corniche de Casablanca. Son parfum la précédait et la suivait comme une cour ; elle aimait le beau, l’agréable à l’œil, au nez, à l’oreille, au toucher, au goût. Elle était plus tonique que je ne le serai jamais, et n’avait besoin ni de riesling ni d’une cigarette pour conquérir la piste de danse. Et le cœur de celles et ceux qui la regardaient éclore en rythme.
Elle était une femme, elle était une personne, elle était un tout, et un petit univers s’est éteint avec elle, comme avec chaque humaine qui s’en va.
Elle est partie et nous sommes celles et ceux qui restent. Je suis de celles et ceux qui sont loin. Celles et ceux qui vivent le deuil par appel WhatsApp, qui entendent clapoter les larmes de la mère, de la sœur, de la tante emprisonnées dans la vitre chaude d’un smartphone désincarné. Je suis de celles et ceux qui aimeraient serrer ma grand-mère dans leurs bras.
Je n’ai pas besoin d’étreintes ensanglotées pour faire mon deuil mais j’aimerais pouvoir prêter le creux de mes omoplates à celles et ceux qui puisent de la force dans chaque épaule sur laquelle pleurer.
C’est le goût doux-amer des morts de familles métissées, celles et ceux qui restent, celles et ceux qui sont là, celles et ceux qui sont loin.
J’ai dit « je t’aime » à ma mère et elle m’a répondu la même chose. J’ai dit « je t’aime » à mon père et il a balbutié un timide « moi aussi ». J’ai regardé mon chat s’étirer au soleil. J’ai pris dix minutes de plus à contempler mon amoureux assoupi. J’essaie de me rappeler quel miracle c’est, d’être vivante et de pouvoir aimer.
Au revoir, Nora. Tu vas me manquer.
En parlant du Maroc, des membres de ma famille ont créé une cagnotte en ligne pour venir en aide à des villages touchés par le récent séisme, et vous nous avez permis de récolter près de 1000€. Merci infiniment 💕
On trouve parfois des pépites là où on ne s’y attend pas : en regardant la nouvelle saison de Love is Blind sur Netflix (jugez pas) (si, vous pouvez juger), je me suis retrouvée face à Chris, un candidat partageant le fait qu’il n’était pas consentant lors de son premier rapport sexuel. Une parole rare, surtout dans une émission aussi grand public, que je suis particulièrement émue de voir puisque les violences sexuelles faites aux hommes ont été ma porte d’entrée dans le vaste domaine des masculinités. Bon, à part ça, vous pouvez toujours vous épargner cette émission nauséabonde, hein.
J’ai dit à des proches que j’avais perdu quelqu’un, et tout le monde s’est réuni chez moi le soir même pour me changer les idées, parler deep, se donner des conseils sentimentaux et manger de la pizza. J’ai une chouette tribu quand même.
S’il ne fallait retenir qu’UNE actu : on sort une nouvelle émission avec Fabrice Florent !! Ça s’appelle Le Fab & Mymy Show, c’est en podcast et sur YouTube un lundi sur deux et ça commence ce 25 septembre. Oui. Demain.
J’inaugure avec fierté le nouveau format podcast de ce bon Mathis Grosos : La pièce rapportée, dans lequel il traîne au théâtre quelqu’un qui ne va pas au théâtre. On a vu Gloria Gloria et on en parle dans Dramathis !
Les récaps rigolos reprennent dans six petits jours avec l’arrivée le 29 septembre sur Prime Video de Gen V, le spin-off de The Boys, la série de super-héros bien sombre bien irrévérencieuse. Ce sera sur Patreon, abonnez-vous 💕
Le Ka, les ateliers d’écriture de Kalindi Ramphul & moi-même, continuent en octobre ! Le concept : chaque lundi, un cours de deux heures (en visio) pendant un mois, pour aboutir à une nouvelle qui fera votre fierté. Ça commence le 16 octobre, alors inscrivez-vous vite !
Merci d’avoir lu cette seconde édition d’All the Feels et n’hésitez pas à me laisser un mot en commentaires (je lis : tout) ni à en parler autour de vous. Dites aux gens que vous aimez que vous les aimez, aussi, c’est jamais perdu 💕
Merci Mymy pour ces mots très beaux et touchants 💜 Depuis quelque temps je suis une énorme boule d'émotions qui va bof bof et pense énormément à 1) la mort, 2) le passé et 3) comment je gère toute cette tristesse qui fait bien chier mais semble être là pour aucune raison !!! Ton contenu est une énorme source d'inspiration et de réflexion, donc tout simplement merci 🙏💜
Merci pour la douceur que l'on puise dans la douleur de la perte. C'était beau et puissant comme toujours 🧡🧡🧡